CUCSG
Feuille de santé N°29 du 29 Juin 2021 ÉditorialDans nos Centres de santé, la campagne de vaccination se déroule bien. Nos interventions ont donc été bénéfiques pour les nombreux patients concernés de nos quartiers. Nous pouvons nous en féliciter. Nous continuons de consacrer le verso de notre Feuille à une question générale de santé selon un point de vue particulier : cette fois-ci celui de Bertrand Vibert sur le thème de la mort choisie, grand sujet de société qui a dernièrement été en débat à l’Assemblée Nationale. Enfin, notre efficacité repose largement sur l'importance et la fidélité de vos adhésions. C'est pourquoi nous vous appelons à adhérer et à faire adhérer : nous comptons sur vous !Jean Vanoye Président du CUCSGI. Nouvelles de l’AGECSA– Une Directrice générale adjointe a été recrutée, Madame Catherine Pellet, qui entre immédiatement en fonction. De même, une chargée de la prévention, Madame Karin Chaleat, succède à Madame Pauline Tbeur, avec qui nous avons eu une coopération féconde, et à qui nous souhaitons une heureuse poursuite de carrière.– Un bus de dépistage PCR gratuit fonctionne jusqu'au 13 juillet : MDH Prémol – Village Olympique les lundis de 7 h à 14 h ; MDH Anatole France – Mistral les mercredis de 7h à 14h. – L’AGECSA élabore son nouveau projet associatif pluriannuel. Nous insistons pour qu’y soient poursuivies les avancées rattachées aux valeurs fondatrices de nos Centres de santé, et qu’y soit renforcée la lutte contre les inégalités en matière de santé. II. Nouvelles du Comité des UsagersNotre Conseil d’Administration a reçu une représentante d'une association pour la mort choisie, Madame Marielle Mas, par ailleurs adhérente de notre Comité. Les informations et la discussion ont été bien utiles. Nous avons présenté au directeur de l’AGECSA, Monsieur Jacky Dupuy, nos points de vue sur les commissions de l'AGECSA auxquelles nous participons. Nous avons été entendus sur la nécessité de conforter leur rôle stratégique en complément de leur caractère organisationnel. Nous avons eu dernièrement la connaissance de la création d'une instance coordonnant les interventions en santé à Grenoble, la CPTS (Communauté Professionnelle Territoire Santé). Nous soutenons bien sûr cette initiative sans réserve, mais nous ne pouvons que déplorer l'absence de représentation des usagers dans cette instance. Nous tenterons donc d’y remédier.Fin de vie : vers un droit à une mort libre et choisie ?Éléments de contexteDepuis des décennies, il existe en France un débat extrêmement sensible sur l’euthanasie – étymologiquement la « bonne mort » –, ce qui n’empêche pas le terme de rester ambigu et de rappeler aussi des heures très sombres de l’Histoire . Or ce débat a été ravivé au mois d’avril dernier par la proposition de loi Falorni : il s’agit de l’« aide active à mourir » répondant à la demande d’un patient en fin de vie, lequel souffre d’une maladie incurable et si invalidante – ou associée à de telles souffrances – que, de son propre aveu, sa vie ne vaut plus désormais la peine d’être vécue.Au cours des siècles et selon les civilisations, le droit pour chacun de décider de sa propre mort varie. Dans l’antiquité, la mort n’est pas un tabou, et le suicide, par exemple, y est considéré comme un acte de courage. Le christianisme, au contraire, postule que chaque vie humaine n’appartient qu’à Dieu et que l’homme ne peut en décider le terme. Mais sur fond de ce débat s’en greffe un autre : dans le cas d’un suicide médicalement assisté, administrer la mort, même douce, est-ce un geste d’humanité, ou bien cela revient-il à s’arroger un pouvoir inacceptable en préjugeant du caractère désormais « sans valeur » ou « inutile » de la vie humaine ? L’affaire Vincent Lambert, avec ses multiples rebondissements, a ainsi mis en lumière tout le dilemme attaché à l’euthanasie, s’agissant d’une personne restée en état de coma végétatif pendant onze ans et incapable de s’exprimer. Mais pour une personne capable de s’exprimer, l’aide active à mourir est-elle pour autant légitime ? Et peut-elle être revendiquée comme un droit et un choix ? Ce que dit aujourd’hui la loi françaiseDans un souci de progrès, la loi Léonetti de 2005 refusait « l’acharnement thérapeutique » et entérinait l’« euthanasie passive » en accordant le droit de laisser mourir un patient en fin de vie. Néanmoins, elle ne répondait pas dans les faits à la situation de nombre de patients en grande souffrance, au point qu’elle a été jugée insuffisante à la fois par le législateur et par les associations prônant « le droit à mourir dans la dignité ». Actuellement en vigueur, la loi Claeys-Léonetti de 2016 entend aller plus loin, en interdisant « l’obstination déraisonnable » et « la prolongation artificielle de la vie » : votée pour faire écho à l’affaire Vincent Lambert, elle prévoit aussi de rendre « la dernière partie de la vie […] la plus apaisée possible ». La loi permet donc une « sédation profonde et continue » jusqu’au décès du malade. Quant au choix d’arrêter les traitements, il relève d’une « décision collégiale », prise après consultation des directives anticipées du patient ou, à défaut, de la personne de confiance préalablement désignée par lui. Mais devant la réalité persistante de situations humaines souvent tragiques, tant à l’hôpital qu’à domicile, la loi, aux yeux de ses opposants, se garde de franchir le pas décisif, puisque l’intention de la sédation profonde et palliative ne doit pas être de provoquer la mort.Les termes du débatOn voit dès lors quels arguments opposent les partisans et les opposants d’une aide active à mourir : du côté de l’euthanasie, la revendication d’un « droit de mourir dans la dignité » considéré comme consubstantiel à la liberté individuelle de disposer de sa propre personne, laquelle devrait être imprescriptible dans un pays démocratique ; du côté des opposants, le caractère suffisant de la législation actuelle, dès lors que sont renforcés les soins palliatifs, solution alternative destinée non seulement à soulager la fin de vie, mais aussi, en leur redonnant goût à la vie, à dissuader les patients de vouloir mourir. Sur le plan politique, une telle question transcende les clivages partisans, bien que les affrontements entre les camps restent marqués. Alors que les opposants à l’euthanasie refusent de faire évoluer la loi actuelle qu’ils jugent parfois trop avancée, ses partisans au contraire en condamnent l’hypocrisie au regard des nombreuses situations de grande détresse, et ils font remarquer le « retard » sur ce sujet de la France par rapport à la législation des pays européens voisins – à cet égard, ils accusent la discrimination qui rend possible à certains seulement de se rendre à l’étranger pour y mourir en douceur. Le 8 avril dernier, la proposition de loi Falorni favorable à l’euthanasie a été rejetée à l’Assemblée, après une bataille d’obstruction de la part des opposants – soit 3000 amendements –, mais le 1er article en a été voté, donnant et garantissant précisément « une fin de vie libre et choisie ». Le 7 mai, une lettre signée de plusieurs centaines de députés, issus de toutes les formations politiques, a été adressée au Premier Ministre, rappelant précisément le vote du 1er article et demandant que le texte soit de nouveau débattu à l’Assemblée.PerspectivesCertes, les blocages sont persistants, mais il semble que les choses bougent peu à peu en faveur de l’euthanasie. Si la France n’a pas fait le choix de ses voisins européens – le Benelux, l’Espagne, le Portugal pour les plus « avancés » –, 96 % des Français s’y déclarent favorables et cette question transcende les autres clivages. Sur un sujet de société aussi important, sans doute peut-on miser sur la marche inéluctable de l’Histoire, comme ce fut le cas pour l’IVG. La question d’humanité, tout à la fois éthique et déontolongique, posée à partir de cas particulièrement douloureux, est rendue plus aiguë par la carence de soins palliatifs suffisants et de qualité pour tous. Il n’empêche qu’il appartient à chacun, en dernier ressort et en toute conscience éclairée, de décider s’il voudrait faire ce choix pour lui-même.Bertrand Vibert Pour pouvoir commenter la feuille de santé, il faut tout d'abord se connecter et pour cela, si ce n'est pas encore fait, créer un compte
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